Anaïs Defago
Lumino’s
HIT, Rue des Amis, 1201, Genève.
23.10–26.11.2020

© Lucas Olivet
Le travail d’Anaïs Defago est avant toute chose un exercice de cadrage et de déambulation. Une activité profondément ancrée dans le quotidien de l’artiste qui récolte des images entre la maison, le bar et l’atelier. Tics urbanistiques, bouts de trottoir, mégots, confettis et autres ob- jets vidés de toute utilité, témoignent d’un geste ou d’une activité passée maintenant révolue. Ces natures mortes capturées puis imprimées, alimentent une importante collection de cartes postales visibles à l’atelier de l’artiste. Certaines retrouvent à l’occasion d’une exposition, leur 3ème dimension.
LUMINO’S est à son tour pensée comme une nature morte. L’apparente nonchalance des objets se fait rapidement rattraper par l’effective précision qui les caractérise. Leurs références picturales se rapprochent par moment davantage à des consonances classiques qu’à la contemporanéité qu’elles laissent supposer. Le titre, emprunté à un club de bord d’autoroute, fait à la fois référence à sa source prosaïque et à l’évocation plus ou moins noble qu’elle est censée dépeindre: une référence à la lumière et à sa représentation. C’est cette même idée, et l’éternelle tentation qu’ont eu les artistes de vouloir fixer la lumière, qui se retrouve à différents niveaux dans les pièces de l’exposition.

© Anaïs Defago
Les trois pièces au sol rejouent différents éclairages naturels ou artificiels. De même le titre de deux d’entre elles Goodmorning et Presque rien (Eclairage blafard) donne une indication sur un horaire ou l’éclairage qui le caractérise. Quant au titre de la troisième Diagonale et Cigarette, il introduit la notion de cadrage inhérente à la lumière lorsqu’elle se voit représentée. Intervient alors la question du socle, qui ici souligne une absence de rupture propre au travail d’Anaïs Defago, puisque l’objet cubique fait partie intégrante de la pièce. Les côtés sont lisses, la face supérieure est travaillée, la dualité existe bien mais se comprend au sein d’un même objet. Cette idée de fluidité entre les éléments est aussi une mise à plat d’objets réels et d’objets façonnés. Ainsi la bouteille et son reflet aquarellé interviennent dans un même but commun de représentation. La considération d’objets au sein du travail de l’artiste est aussi profondément liée à l’idée du fantasme et de la projection. Des objets vidés aux apparences silencieuses mais aux origines plus bavardes. Ainsi la cigarette fait aussi référence à des univers populaires appa- remment plus glamour, le cinéma, la publicité.

Nightclubbing, 2020, plexiglass, acier, émail 160X200 cm, Diagonale et Cigarette, 2020, résine, fibre de verre, peinture acrylique, cigarette, 40X62X62 cm.
© Anaïs Defago
De manière plus globale les oeuvres présentes sont aussi pensées comme des monochromes aux formes simples: un triangle, un rectangle, trois cubes. Le triangle intervient à ce propos avant tout comme une forme, mais sert à son tour d’écho aux autres pièces. A commencer par ses caractéristiques réfléchissantes à travers lesquelles apparaît la totalité de l’exposition. De même que son origine formelle (une ombre) et son titre Nightclubbing rappellent à la fois ce lien à la lumière et les références nocturnes pseudo glamour qui l’accompagnent. Son apparence minimaliste tend d’ailleurs paradoxalement à penser qu’il put potentiellement servir de décorum dans un club.
La Vague (Tropical), est une superposition de deux images (deux miroirs). C’est un glissement de deux perceptions, l’une fidèle, l’autre floue, qui rappellent à leur tour le rapport binaire à la représentation déjà observée dans le reste de l’exposition. Son titre, de même que l’idée du col- lage, fait appel à des pratiques artistiques à nouveau plutôt classiques ou désuètes. Le miroir en forme de vague, bien que réalisé de manière artisanale, tire ses origines dans l’univers indus- triel des magasins à bas prix de décoration. Il signe une légèreté à la fois dansante et sans subtilité.
Laurence Favez

Diagonale et Cigarette, 2020, résine, fibre de verre, peinture acrylique, cigarette, 40X62X62 cm.
© Anaïs Defago